Chronique 68 : La Peur de Stefan Zweig

1920 - Rivages poche - 119 pages 


La quatrième de couverture : Irene Wagner mène une vie de grande bourgeoise dans la Vienne de la double monarchie, celle de Schnizler, Freud, Kraus et Hofmannsthal. Entre les bals, les théâtres et les soirées mondaines, cette épouse de grand magistrat est autant à l'abri des soucis que des émotions, lorsqu'un jour elle cède, moins par vrai désir que par nostalgie romantique, aux avances d'un jeune pianiste. Cet amant est d'ailleurs vite intégré dans l'ordre de sa vie, "comme une nouvelle automobile", jusqu'à ce que son secret soit découvert par une autre femme qui la poursuit et la soumet au chantage. Entre l'angoisse de tout perdre et l'impossibilité de tout dire, la peur s'installe, vertigineuse ...


Mon avis : Ici il s'agit d'une édition qui contient uniquement la nouvelle La Peur. Les autres éditions comportent cinq autres nouvelles. Je parlerai donc ici seulement de celle que j'ai pu lire et qui est résumée ci-dessus. 

Ce qui m'a d'abord marqué à ma lecture, est l'angoisse que l'on ressent en lisant cette nouvelle. Stefan Zweig décrit de manière très juste le mécanisme de la peur qui s'installe progressivement et qui finit par vous dévorer. Au début on est perdu, on se demande pourquoi nous, puis on finit par relativiser et on reprend sa vie telle qu'elle était avant l'épisode angoissant. Enfin, la peur continue de nous poursuivre, elle s'installe définitivement et prend le contrôle de notre vie en nous laissant impuissant et seul. C'est exactement se qui va arriver au personnage principal, Irene. 

"Elle fut prise d'une très légère angoisse, l'espace d'une seconde, juste au moment de sortir dans la rue, ce genre de frisson nerveux qui vous parcourt quand on trempe le bout d'une pied dans l'eau avant de se jeter dans les vagues. Mais ce frisson ne l'a parcourut que l'espace d'une seconde, puis elle sentit d'un coup monter en elle une étrange joie de vivre, cette envie de marcher d'un pas léger, vif et élastique, d'afficher une démarche résolue et crâne qu'elle ne se connaissait pas."

"Elle resta allongée là, inerte, comme assommée par un coup de massue, seuls ses doigts étaient parcourus de spasmes qui secouaient ses bras jusqu'aux épaules, mais rien dans son corps ne pouvait opposer une résistance à l'assaut violent de cette terreur déchaînée."

Nos sentiments à l'égard d'Irene évolues de la pitié à la compassion. Son mari la presse de se confier à lui mais elle s'obstine, elle ne veut pas le décevoir. Petit à petit elle s'enferme dans son mensonge, elle se laisse manipuler par cette maître chanteuse, jusqu'à ce qu'elle ne puisse plus le supporter. 

Cette nouvelle n'est pas seulement un récit définissant la peur, Stefan Zweig y critique également la société, et l'hétérogénéité des classes. Il montre la hauteur avec laquelle la bourgeoisie regarde le monde prolétaire. Il montre aussi que c'est uniquement quand ils sont sur le point de tout perdre, que les bourgeois se rendent compte des privilèges qu'ils ont, de la vie exemptée même des soucis de la vie, qu'ils mènent. 

"Depuis qu'elle connaissait le danger et éprouvait à travers lui un sentiment vrai, toutes les choses, même les plus étrangères, lui devenaient soudain familières."

Encore une fois, je vous recommande Stefan Zweig et La Peur. Cela se lit vite, et c'est une lecture qui marque. 



Ma note : 18/20 très bonne lecture

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